J’avais partagé il y a quelques temps un billet passionnant de Friedberg Erhard publié sur le blog du Global Peter Drucker Forum (en anglais). Cet article traitait de l’#agile comme une volonté illusoire de contrôle du top management. Énoncée comme je le fais, l’idée semble contre-intuitive, et pourtant.
Si « les organisations sont des solutions aux problèmes posés par l’action collective » (Organizations are solutions for the problem of collective action), elles sont par nature fragiles.
La complexité de nos entreprises et la volatilité du monde dans lequel elles sont plongées nous incitent à réfléchir à leur nécessaire transformation, tant elles nous paraissent lourdes à piloter. Entre injonctions paradoxales et multiplication de niveaux hiérarchiques, responsables apparents d’une bureaucratisation ressentie comme insupportable, il semble pertinent de notamment chercher plus de transparence et une nécessaire agilité.
Il y a là pour Friedberg un modèle mental qui confine au mythe : celui de la transparence comme perfection naturelle des organisations efficaces car cohérentes. Rendre plus « agiles » les organisations permettrait de renouer avec cette cohérence.
A l’inverse, il décrit les organisations réelles comme des réseaux faiblement reliés de contextes de travail, pour lesquels la raison d’être prend des nuances différentes (« Organizations must be understood as loosely connected networks of work-contexts, in which the organization’s core-purpose takes on distinct colors and meanings »).
La vision fantasmée que nous entretenons à propos des organisations trouve pour lui sa source dans la négation de l’incertitude résultant de la liberté que nous avons face à toute action collective (« It shows once more that management theory and practice has decided to ignore the basic uncertainty rooted in the freedom human beings enjoy when they decide whether to engage in collective action »).
La volonté d’une organisation plus transparente peut dès lors être lue comme une façon pour les dirigeants de lutter contre la crainte associée à une incertitude quant aux comportements de ceux dont ils dépendent pour connaitre et comprendre le fonctionnement réel de l’entreprise.
Pour ce faire, il convient en apparence de réduire les lignes hiérarchiques et les strates organisationnelles afin de permettre aux dirigeants de reprendre le contrôle, car une fois informés correctement, ils seront en mesure de prendre les “bonnes décisions”.
Cette construction théorique, qui fait fi du contexte et de la liberté des personnes, bute sur un écueil : tant la coopération que le contrôle ne peuvent être garanties ou obtenues par des systèmes automatisés.
Le management ne pourra faire l’économie de prendre en compte cette difficulté, au risque que la tentation agile ne soit qu’une forme renouvelée de contrôle bien illusoire.
Mais le mieux est naturellement de lire l’article de Friedberg.
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