« La véritable transformation d’après crise, ou plutôt l’un des premiers enjeux, n’est pas « l’hybridation du travail » mais sa simplification. »
C’est ce qu’Ibrahima Fall explique dans son blog, où il nous invite à prendre du recul sur cette idée en apparence nouvelle qui semble soudainement une évidence.
Les bouleversements de cette crise ont permis, pour un temps au moins, de faire sauter des contraintes devenues intenables. Ce qui, en creux, a permis a beaucoup de mesurer nombre de problèmes liés à un travail toujours plus compliqué, abstrait ou pétri d’injonctions contradictoires. Car oui, il y a trop souvent un gouffre entre le travail prescrit et le travail réel.
Il est donc urgent de nous arrêter pour réfléchir au sujet, afin notamment de mesurer cette illusion (et cette volonté parfois inconsciente) de contrôle du travail.
Son invitation est salutaire, avant de foncer tête baissée dans des analyses erronées. L’apparente nouveauté de l’idée d’hybridation du travail pose d’ailleurs autant de problème que celle du travail à distance. Une part du travail a toujours été à distance, que ce soit avec des clients situés à l’autre bout de la France, avec des collègues d’une filiale étrangère ou un fournisseur éloigné de nous. Ou comme en se baladant avec nos enfants, tout en réfléchissant à un sujet qui relève du travail. La vidéo ci-dessous où il est interrogé par Jean-Philippe Denis le rappelle.
Car comme le souligne Luc Tardieu dans un de ses billets, « le travail à distance obéit à une logique complexe : les enjeux évoluent au fil du temps et les difficultés à surmonter peuvent elles aussi changer de nature. » Le sujet dépasse d’ailleurs le Covid. En effet, le télétravail que nous avons vécu dans l’urgence à cette occasion relevait plus de la contrainte que d’une pratique pensée et organisée.
Le sujet du travail à distance est un « vieux » sujet, une réalité à laquelle sont confrontées nombre de personnes depuis longtemps, comme le montre des études plus anciennes que la survenue de l’épidémie qu’il met en avant dans son billet.
D’où les défis différents selon la maturité des organisations sur ce sujet : en matière de relations, de gestion des conflits, de pratiques collectives et managériales, d’apprentissage collectif…
Les écrits de ces deux auteurs imposent de reprendre le sujet du travail et de sa nécessaire simplification plutôt que de courir après un « travail hybride » qui a déjà muté radicalement par rapport à l’an dernier.
S’attaquer aux modes de collaboration/pratiques de travail (un sujet d’actualité évident) ne peut se faire sans réfléchir au préalable (ou à tout le moins en parallèle) au travail lui-même et à sa complication, bien souvent liée à une tentation du contrôle, souvent illusoire, mêlant procédures, reportings et process qui vampirisent le travail réel.
Le faire permettra sans doute d’éviter bien des confusions qui risquent nous faire passer à côté de bien des enjeux.